TÁR

PRIX D’INTERPRÉTATION FÉMININE • MOSTRA DE VENISE 2022
Lydia Tár, cheffe d’orchestre avant-gardiste à la tête de la Philharmonie de Berlin, est au sommet de sa carrière et de son art. On salue l'excellence de son parcours, le lancement de son livre approche et elle prépare un dernier concerto très attendu de la 5e Symphonie de Gustav Mahler. À la fois orfèvre et commandante, Lydia démontre avec flamboyance et érudition que la bonne musique peut être aussi « ouvragée qu'une cathédrale », détaillant ses recettes pour obtenir « un son redoutable » et exalter au mieux l'esprit conquérant des grands compositeurs. Mais, en l’espace de quelques semaines, sa vie va se désagréger d’une façon singulièrement actuelle.
Cinéaste de la déconstruction, Todd Field va imposer à cette histoire un tempo dévastateur, scalper l’image, défaire le prestige et l’excellence : il épingle les différents codes de la réussite pour mieux interroger le poids des références culturelles et la façon dont leurs influences parfois mastodontes induisent, imposent et servent à maintenir une vision du monde. Tár se pose comme un film très « au courant » de l’actualité, actant les réalités du confinement, du digital et de la cancel culture. Il fait s’entrechoquer les époques, juxtaposant le privilège de déjeuner dans le même restaurant où dînèrent autrefois Beethoven et Napoléon à la fierté de rendre hommage, pour la journée internationale du droit des femmes, à une musicienne militante, martyre et oubliée.
En offrant à Cate Blanchett son plus grand rôle, Todd Field orchestre la confrontation sans merci de la tradition et du monde actuel : la réévaluation des repères culturels sonne comme le glas d’un jugement divin, faisant de la chute de Lydia Tár un crépuscule symphonique ultramoderne.