LA STRADA

Gelsomina, une jeune femme naïve et généreuse, a été vendue par sa mère à un bateleur de foire brutal et obtus, Zampano, qui présente un numéro de briseur de chaînes sur les places publiques. À bord d’un étrange équipage – une moto à trois roues aménagée en roulotte – le couple sillonne les routes d’Italie, menant la rude vie des forains. Surgit Il Matto (le fou), violoniste et poète, qui seul sait parler à Gelsomina.
La Strada appartient à la première partie de l'œuvre de Fellini, période profondément unitaire pendant laquelle Fellini promène sa caméra sur une humanité offensée de pauvres diables du spectacle, d'acteurs minables de romans photos, de jeunes provinciaux en mal d'identité, d'escrocs dérisoires ou de prostituées des faubourgs. Dans cette galerie, le saltimbanque et la pauvre fille de La Strada portent à leur quintessence cette vision décharnée de la vie. Zampano et Gelsomina expriment le tragique de la condition humaine dans leur recherche angoissée d'un mieux être qui les dépasse. Avant que d’être des symboles, Gelsomina et Zampano sont des êtres de chair et de sang, des êtres sur qui pèsent de tout leur poids, la faim, le froid, la solitude et la mort. Gens de spectacle – même ô combien lamentables – ils sont doublement porteurs d’une fonction représentative ; dans la candeur franciscaine de l'un, dans l'obscurité d'avant l'accession à la conscience de l'autre passe la double aspiration à témoigner du malheur et à espérer en une autre vie.
N'étant pas encore passé aux reconstitutions scénographiques en studio, Fellini explore dans cette période les possibilités expressives des décors naturels. Sa vision des plages désolées, des faubourgs aux masures délabrées, des campagnes désertes, situe immédiatement le film dans sa dimension spécifique, celle d'une approche de la misère existentielle. (D'après Jean A. Gili • La Revue du Cinéma)