HAUTE PÈGRE
Du 13/02/2019 au 04/03/2019
Ce merveilleux Lubitsch tourné en 1932 raconte l'histoire de Lily et Gaston, un couple d'escrocs internationaux qui s'infiltre dans l'entourage de Madame Collet, riche et séduisante héritière parisienne de parfums, afin de faire main basse sur sa fortune.
À partir de cet argument de base, Lubitsch se livre à un éblouissant ballet de situations, de mouvements et de répliques qui tuent. Il y a le visible, entièrement frappé du sceau de l'élégance : les personnages, leurs vêtements, leur diction, leur maintien, les voleurs suaves, les gentlemen vulgaires, les objets et les situations qui circulent à une vitesse étourdissante, les dialogues qui cinglent comme des fleurets mouchetés... Et puis, dans ce film sur les apparences, plein de portes qui s'ouvrent et se referment, d'avant-scènes et de coulisses, il y a l'invisible : la mélancolie qui sourd, la satire sociale, l'ambiguïté permanente entre les élans romantiques et les motifs pécuniaires. Si Lubitsch parle de la coexistence délicate entre spirituel et matériel, il le fait à sa façon : loin des pesanteurs terrestres, sa mise en scène est aérienne et musicale, faite d'équilibres et de ruptures, de rythme et de mouvement permanent. Nous sommes au royaume du style, région où la lourdeur n'existe plus.
Haute pègre ressemble aux parfums de Madame Collet, à la fois évanescent et d'une fragrance aussi prégnante que capiteuse. Car Lubitsch est un produit de luxe, mais accessible à toutes les bourses.
(D'après Serge Kaganski • Les Inrocks)